Fa est une marocaine que nous suivons depuis longtemps dans sa démarche d’intégration à la société » française. Je l’aidais au téléphone à remplir sa demande de rendez vous pour le renouvellement de son titre de séjour, sur le site « démarche simplifiée » de la préfecture.

Fa était inquiète car elle doit prochainement passer son « entretien de naturalisation ». Elle parle (avec un léger accent du midi) et écrit bien le français. Mais elle redoute les questions sur l’histoire de France. Elle s’est adressée à plusieurs associations pour trouver de l’aide, mais s’est heurtée à des refus. Je lui suggère alors de télécharger sur son portable l’application Gemini, ce quelle fait. Elle est surprise de la réponse précise et documentée obtenue, par oral et par écrit.

Dorénavant elle va pouvoir, d’où qu’elle soit, interroger ce logiciel d’Intelligence Artificielle, pour s’informer sur le type de questions qui pourront lui être posées et sur les réponses à donner, par exemple en histoire de France en profitant au passage de la correspondance oral-écrit…

Si le rôle de l’IA est ici plutôt positif, il est important de rappeler que cet outil est à employer avec énormément de pincettes. La qualité des réponses dépend grandement des sources interrogées par les modèles, et des instructions, appelées « prompt », données par l’utilisateur à l’outil. Lors de nos permanences, nous déconseillons ainsi fortement aux personnes qui viennent nous voir de se fier aux réponses de ChatGPT et de ses concurrents dès qu’il est question de démarches administratives, encore plus quand cela concerne le droit des étrangers : les règles changent trop souvent, le contexte local n’est pas connu par ces outils qui, par ailleurs préfèrent affirmer des choses fausses plutôt que d’avouer qu’ils ne savent pas.

Ces réserves, l’administration n’en a manifestement pas grand chose à faire. La préfecture de l’Hérault participe ainsi à une expérimentation lancée en 2024 s’appuyant sur l’intelligence artificielle pour répondre à des questions, notamment concernant les démarches que doivent entreprendre les étrangers en France. Le moins que l’on puisse dire c’est que les usagers ne sont pas satisfaits : les réponses floues voire inexactes, sont manifestement relues par du personnel qui n’est pas directement affecté ni formé aux questions complexes relatives au séjour. Derrière une illusion de modernité se cache une dématérialisation et une déshumanisation qui ne bénéficie qu’à l’administration, et pas aux administré.e.s.

Pour en revenir à Fa, on espère néanmoins que ce nouvel outil viendra à son secours dans ses démarches pour acquérir la nationalité française.