RESF34

jeunesse sans papiers, jeunesse volée

Pénalisation et enfermement des étrangers par Patrick Henriot, magistrat




mardi 12 novembre 2013

Officiellement, il ne s’agit pas de punir, mais seulement de se donner les moyens d’éloigner – comme on dit – l’étranger : enfermer serait seulement la conséquence « secondaire » d’une logique purement administrative d’expulsion.

Mais l’intention pénalisante est sous-jacente à toute la procédure : interpellation, garde à vue, menottes, fourgon cellulaire, modalités de l’enfermement… : tout ceci tend, là encore, à installer l’idée de la dangerosité des étrangers.

Tout est fait comme s’il s’agissait de « faire payer », mais aussi de dissuader (autre objectif, classique, de la peine) : l’affichage des résultats de la politique d’expulsion et les privations de liberté et de droits que subissent les étrangers, tendent à faire d’eux des « relais d’opinion » dans les pays d’origine pour dissuader d’émigrer vers l’Europe et la France.
Au demeurant, l’Union européenne a elle-même validé et encouragé cette pratique de l’enfermement en adoptant la trop fameuse « directive de la honte ». Surtout, elle pratique un politique assez cynique d’externalisation des camps d’enfermement dans les pays situés à l’extérieur de ses frontières et ce, au moyen d’un ensemble d’accords bilatéraux et avec l’aide de son agence « Frontex ».

Alors que faut-il faire ?

Au minimum : restaurer le contrôle des juges sur ces procédures de placement en rétention, c’est-à-dire abroger les dispositions de la loi du 16 juin 2011 qui retardent de cinq jours l’intervention du juge des libertés et de la détention.

Ensuite, mettre fin à la pénalisation du séjour irrégulier, totalement inutile, gravement attentatoire à la liberté d’aller et venir et maniée comme un inadmissible instrument de stigmatisation des étrangers.

Enfin, renoncer définitivement à l’enfermement administratif des étrangers, conçu et pratiqué comme un mode de gestion des mouvements migratoires et instrumentalisé au profit d’une politique d’affichage électoraliste.


Extrait du film de Thomas Lacoste, Notre Monde