RESF34

jeunesse sans papiers, jeunesse volée

L’inversion de la question immigrée, par Eric Fassin, sociologue




mardi 12 novembre 2013

Il n’y a que deux solutions : soit, en matière de droit, le mariage avec un étranger s’alignera demain sur le regroupement familial, c’est-à-dire qu’à son tour il deviendra conditionnel ; soit au contraire, le regroupement familial se conformera au droit matrimonial, censément inconditionnel. Ces deux options dessinent deux modèles de société radicalement opposés. La première est organisée autour d’un problème sans fin – l’immigration. En effet, si nous considérons la vie privée et familiale comme un droit fondamental, inscrit dans les textes français et internationaux, le réduire pour les étrangers, c’est considérer qu’ils ne sont pas de même nature que les Français. C’est la condition nécessaire pour justifier une discrimination aussi radicale.
Que change la deuxième option ? Tout. Au lieu de tracer une frontière entre « eux » et « nous », c’est définir les un(e)s et les autres par une commune humanité  : toutes et tous, nous sommes pris dans des liens qui contribuent à nous constituer en tant que sujets véritablement sociaux. Dès lors, notre projet de société ne saurait plus être fondé sur l’opposition aux étrangers – de nationalité, d’origine ou d’« apparence ». Au lieu d’être nationalisés, les droits humains redeviendraient proprement universels. Chacun(e) pourrait enfin « en être », c’est-à-dire être de notre monde.


Extrait du film Notre monde, de Thomas Lacoste
Eric Fassin, sociologue