Confettis collectifs

Ecritures croisées entre écrivains, jeunes sans-papiers & Co

Les participants

Majeurs, mineurs, adultes, jeunes et vieux, la situation des "sans papier" dans la France de 2013 est honteuse jusqu'à l'inqualifiable.
Odieuse, la politique qui la génère. Abjectes, les motivations de cette politique.
Possédant une carte d'identité française au fond de ma poche, comment laisser croire, par mon silence, qu'une telle politique puisse être menée en mon nom ?
C'est se taire qui demanderait de se justifier. Pas le contraire.

François Bon (Site web: http://www.tierslivre.net/)
Bozier Raymond (Site web: http://www.publie.net/fr/list/auteur-30626-raymond-bozier/page/1/date)
Chevalier Bruno (alias PseudoType) (Site web: www.atextuel.blogspot.fr )
Marie Cosnay (Site web: http://www.marie-cosnay.fr)
Gildas Girodeau (Site web: http://gildasgirodeau.wix.com/ecrivain)
Michael Glück (http://www.lachambredecoute.net/)

Je m'appelle Michaël Glück, je suis écrivain de langue française. J'écris poésie, théâtre, essais, récits. J'ai des commencements hors de France : ma mère venait de Tchécoslovaquie, des frontières errantes entre Slovaquie, Ukraine, etc… Mon père était né à Paris, ses parents venaient de Pologne. J'ai voyagé, à la rencontre des autres, un peu partout en Europe mais aussi Maroc, Algérie, Taïwan, Mexique, Nicaragua… J'aime la croisée des voix et donner à entendre dans mes oeuvres d'autres voix que la mienne. Et puis, façon aussi de me présenter, de vous saluer, cet extrait d'un de mes derniers livres (Rouges, éditions La passe du vent) :
"papiers papiers papapiers mamapiers papiers avons perdu pieds sans papiers sommes sommes une somme de papapiers sommes une somme de mamapiers sommes sommes pas sommes assommés sommés de donner papiers de papapiers et mamapiers sinon ne sommes pas qu’ils disent ceux qui nous somment et nous assènent que ne sommes pas veulent tout savoir de nous qui ne savons pas demain mon nom est demain dit l’un mon nom est sans lendemain dit l’autre "

Mon premier roman, A fleurs de peau, vient de paraitre aux éditions Chèvrefeuille étoilée. J’anime des ateliers d’écriture sur Montpellier.
J’ai été touchée par la force des textes publiés sur le blog, par les images qu’ils font naître, les souvenirs et émotions qu’ils donnent à partager. Petite-fille d’immigrants venus d’Europe centrale et de Méditerranée, fille de parents qui ont dû vivre cachés, sous un faux nom, durant l’Occupation, mais qui m’ont toujours dit être fiers d’être français, je me sens particulièrement interpellée par le trajet de ceux qui témoignent ici.
Combien parmi nous, qui nous disons de ce pays, n’en seraient pas – ou n’existeraient pas, tout simplement - si la force de vie de leurs ascendants, leur appétit d’aventure, d’invention, leur besoin de sécurité et de rencontres, avaient été barrés ? Combien d’œuvres, de réussites, de bonheurs grands et petits, ne seraient pas ?
J’ai le sentiment qu’en repoussant ces jeunes aux frontières, c’est notre part d’enfance, d’élan qu’on repousse. La part d’audace et de générosité. Comme si on ne croyait plus que le monde peut être bon, à défaut de meilleur.

Valery Meynadier (Site web: http://www.autour-des-auteurs.net/fiches/meynadier.html)

J’écris. J’écris pour explorer les frontières, leur laisser une chance de s’ouvrir. Le stylo en scalpel, je trace des lignes de fuite, avec des mots vieux comme le monde. Nous sommes tous des êtres de langage et le réel est l’empreinte de ce « tous ». Si certains viennent à manquer, comme déjà sous certaines latitudes, la femme manque, l’humanité vacillera, vacille. J’écris sur la frontière, victimes bourreaux confondus. J’écris pour prendre place, faire de la place, place ! Les feuilles se lèvent et marchent, créant leur propre territoire à mesure de leur lecture. Je me donne à lire et je lis au nom des yeux grands ouverts, je veux parler de ceux qui ont perdu le pouvoir de fermer les yeux. Et si on ouvrait les yeux comme des vivants ?

Je suis née en Bretagne dans un milieu rural modeste. C’est en « émigrant » dans le sud de la France pour étudier que j’ai pris conscience de mon origine. Et ensuite à travers le voyage. Je ne pensais plus qu’à ça, partir. Orient ou occident, Asie ou Afrique. Rencontrer les autres dans leur diversité, leur singularité, m’a construite et remplie de joie. Tout comme écrire (je n’ai pas trouvé de meilleure façon d’occuper mon temps). Écrire, c’est comme voyager, crier, respirer.
Si je souhaite me joindre à ce projet, c’est pour mêler mon maigre souffle au grand vent. Car nous sommes tous là, ensemble, au même instant sous le même ciel. Autant réunir nos forces et sublimer notre existence fragile.

Je m'appelle Janine Teisson. Depuis 1993 je suis écrivaine. Bientôt mon trente septième livre sera publié. J'écris pour des lecteurs de trois à cent trois ans. Je suis née dans une ville ouverte sur la Méditerranée, j'ai vécu au Maroc et plus tard en Côte d'Ivoire. Les amis de mon adolescence en France étaient vietnamien, italienne, espagnole, malgache. Ils ont enrichi mon esprit et mon cœur. J'ai toujours côtoyé et connu des gens qui quittaient leur pays natal pour aller travailler ailleurs. J'admire leur courage. Actuellement, le rejet dont ils font l'objet alors qu'ils viennent nous apporter leur force et leur intelligence me révolte. J'admire l'action de RESF que j'ai soutenue sans pouvoir vraiment agir. Aujourd'hui, je m'engage à mêler mes écrits à ceux de jeunes adultes sans papiers. En espérant quoi ? L'avenir nous le dira.

Depuis mon premier roman, sorti en 1980 et régulièrement réédité, j’ai publié une vingtaine de livres : des romans, des nouvelles, des textes poétiques et photos, auxquels se sont ajoutés d’innombrables articles, des anthologies, des préfaces, des traductions et des scénarios pour la télévision.
Je trouve important de répondre à cet « appel aux écrivains » parce qu’il me semble, comme le RESF, qu’il est essentiel aujourd’hui de changer le regard que nous portons sur les jeunes majeurs sans papiers. Un regard, quand il est bienveillant, trop souvent misérabiliste, alors que ces jeunes ont tant de joie et d’espoir à nous offrir. Plus que leur révolte, leur découragement, leur désespoir, c’est cette facette lumineuse que j’aimerais montrer, et faire étinceler de tous ses feux, en tous lieux.